Les épillets

QU’EST-CE QUE C’EST QU’UN ÉPILLET ?

Les épillets sont des épis de graminées sauvages (le plus souvent Hordeum murinum, ou orge des rats). Ils s’accrochent à toute surface filamenteuse (vêtement, mais aussi pelage d’animal), puis à progresse, toujours dans le même sens. Leur extrémité pointue leur permet en outre de perforer les tissus, y compris la peau.

epillet 4

QUEL EST LE RISQUE ?

L’épillet s’accroche dans les poils, et commence à avancer. Quand sa pointe arrive au niveau de la peau, il la perfore, et continue à cheminer à l’intérieur, toujours dans le même sens, toujours plus profond. Il peut aussi profiter d’un orifice naturel pour s’introduire : oreille, fourreau, anus…

Si le chien farfouille au milieu d’un champ d’herbes hautes et renifle un bon coup, l’épillet rentrera directement dans le nez.

Dans le détail, les épillets peuvent rentrer :

1 – Dans les oreilles :

C’est de loin la localisation la plus fréquente ! Lorsqu’un chien se met brusquement à se secouer les oreilles au printemps ou en été, penche la tête, refuse qu’on le touche… il y a probablement un épillet là-dessous ! A fortiori si l’oreille coule, suppure, ou sent mauvais. L’épillet s’accroche aux poils autour de l’entrée de l’oreille (les races à poils longs et à oreilles tombantes, (cockers, épagneuls…), sont donc les plus touchées), descend directement au fond du conduit, où il peut arriver qu’il perfore le tympan.

2 – Dans le nez :

Il s’agit probablement de la deuxième localisation, par ordre de fréquence. Le chien renifle activement au milieu des hautes herbes, et revient tout à coup en retroussant une de ses narines et en éternuant violemment, au point de se taper le nez contre le sol et de se faire saigner. L’extrémité de l’épillet dépasse parfois encore de la narine, mais il est rare que l’on arrive à s’en saisir vu l’état d’agitation du chien, et encore plus rare que l’on arrive à l’extraire, à cause de la difficulté à faire reculer un épillet : on se retrouve généralement avec une petite barbule cassée entre les doigts, tandis que le reste de l’herbe poursuit son avancée à l’intérieur du nez.

Dans le meilleur des cas, à force de reniflements, l’épillet peut remonter jusqu’au fond du nez, tomber dans la gorge, et être avalé et éliminé avec les aliments. S’il tombe du mauvais côté et part en direction des poumons… c’est beaucoup plus embêtant !

epillet

3 – Dans l’œil :

Dans ces cas-là, l’épillet se loge en général sous la « troisième paupière ». Il est important de retirer cet épillet aussi tôt que possible (une sédation sera souvent nécessaire), faute de quoi les frottements de l’herbe sur la cornée auront tôt fait de provoquer un ulcère, parfois difficile à guérir, et pouvant conduire, dans les cas les plus graves, à la perforation de la cornée et à la perte de l’œil. Plus rarement, un épillet peut pénétrer dans le canal lacrymal, entraînant une suppuration chronique des voies lacrymales.

Notons que le chat attrape beaucoup moins d’épillets que le chien, mais que lorsqu’on en trouve dans cette espèce, c’est généralement dans l’œil

4 – Dans la bouche :

En avalant de l’herbe, il est possible que votre chien mange un épillet qui peut alors se loger dans la joue, les gencives, les amygdales ou la gorge.

Dans les cas les plus embêtants, les épillets traversent la muqueuse buccale, et partent se loger vers le bas (abcès de l’auge, entre les mâchoires… ce qui est gênant), ou bien vers le haut (abcès derrière un œil)

5 – Dans les voies génitales :

Que ce soit chez le mâle ou chez la femelle, les voies génitales constituent une porte d’entrée pour un petit épillet.

Chez la chienne, l’épillet rentre par la vulve. Il peut remonter le long du vagin (provoquant des pertes vulvaires), puis le long d’une corne utérine, qu’il finira éventuellement par perforer pour se retrouver dans la cavité abdominale, provoquant alors une péritonite. Il peut aussi se diriger vers la fosse clitoridienne, et soit y rester coincé (entraînant là aussi des pertes vulvaires), soit traverser la paroi vaginale et se mettre sous la peau, provoquant un abcès au bas du ventre.

Chez le mâle, l’épillet rentre dans le fourreau. Il peut y rester coincé, entraînant un abcès et des pertes purulentes, ou bien transpercer la muqueuse du fourreau avant d’aller, là aussi, sous la peau du ventre et y former des abcès.

7 – Sous la peau :

Pas forcément besoin d’une porte d’entrée particulière, l’épillet s’accroche dans les poils, progresse, atteint la peau qu’il transperse, et continue à cheminer dans le tissu sous-cutané en créant des fistules, sortes de galeries qu’il creuse au fur et à mesure de sa progression.

Du pus s’écoule jusqu’à l’extérieur, le long de ces fistules. Les épillets pénètrent souvent entre deux doigts, zône à peau fine où il est facile de s’accrocher, et peuvent ensuite remonter assez haut le long de la patte : le chien passe alors des heures à se lécher entre les doigts, et un petit abcès peut être observé à cet endroit. Ils peuvent aussi traverser la peau un peu n’importe où (sous le ventre, le long des flancs…), notamment chez les chiens à sous-poil dense, comme les saint-bernard, bouviers bernois, montagnes des Pyrénées, ou même bergers allemands. Notons qu’un épillet qui chemine sous la peau depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines, peut être parti absolument n’importe où, parfois très loin de son point d’entrée !

epillet 3

ALORS, QU’EST-CE QU’ON FAIT ?

Le traitement consiste évidemment à retirer l’épillet, ce qui est parfois plus facile à dire qu’à faire !

Pas trop de problème si l’épillet est rentré dans une oreille ou dans un œil : une sédation sera souvent nécessaire, mais sauf exception, l’épillet ne peut pas se cacher bien loin, et sera retiré à l’aide d’une simple pince (dans l’œil), ou d’un otoscope et d’une pince à corps étranger (dans l’oreille). Après, il restera à gérer les dégâts causés par le séjour de l’herbe, (otite suppurée, ulcère cornéen…), mais au moins la cause du problème aura-t-elle été retirée.

Le truc à savoir : s’il est évident que votre chien s’est mis un épillet dans l’oreille vous pouvez attendre le RDV chez votre vétérinaire en versant un peu d’huile de table dans l’oreille du chien : cela aura pour effet de ramollir l’épillet, qui cessera alors de piquer les parois du conduit auditif, donc de faire mal. Evidemment, si le chien continue à se plaindre vingt ou trente minutes après avoir mis de l’huile, il faudra se décider à téléphoner à votre vétérinaire pour faire retirer l’épillet sans plus attendre !

Pour les épillets ayant pénétré par une voie naturelle autre que le conduit auditif, (nez, vagin, fourreau, sac anal…), on reste encore dans du classique, et les choses ne seront pas trop compliquées… à condition tout de même que le corps étranger ne soit pas parti se promener trop loin.

Si l’épillet est parti se promener sous la peau, les choses sont déjà plus compliquées, car ce n’est pas pour rien que ces brins d’herbe ont gagné le surnom de « voyageurs », et on les retrouve parfois à plusieurs dizaines de centimètres de leur point d’entrée.

On commence en explorant l’abcès en aveugle, à partir du point d’entrée, avec une pince à corps étranger. La chance et l’expérience permettent souvent de ramener l’épillet en quelques secondes à quelques minutes. Si cette technique se révèle infructueuse, il faut intervenir chirurgicalement, et rechercher l’épillet le long de la fistule. Autant rechercher une aiguille dans une botte de foin… Lorsqu’on ne trouve pas, on referme après une demi-heure à une heure de recherche, on met le chien sous antibiotique et anti-inflammatoire, et on y retourne quelques jours plus tard, en comptant sur le fait que le traitement aura « assaini » la plupart des tissus… sauf ceux à proximité immédiate de l’épillet, ce dernier étant alors plus facile à repérer. Plusieurs interventions sont parfois nécessaires avant de finir par trouver… ou pas, le corps étranger !

Photo de gauche : volumineux abcès à l’arrière de la cuisse, chez un labrador de dix ans (qui avait également un épillet dans l’oreille). On devine le point d’entrée de l’épillet au milieu de l’abcès. Photo de droite : traitement chirurgical à la clinique vétérinaire de Villevieille : la peau nécrosée a été incisée, et l’abcès est maintenant largement ouvert. Après nettoyage du pus, l’épillet est repéré et extrait du tissu sous-cutané, très remanié. Tout ce tissu sous-cutané sera retiré, avant fermeture.

L’échographie tissulaire peut également permettre de localiser un épillet bien que cela ne soit pas possible à tous les coups.

ET COMMENT PEUT-ON COMBATTRE LES EPILLETS?

Difficile de supprimer totalement le risque, mais on peut tout de même le minimiser :

1 – En faisant tondre votre chien, totalement ou en partie, avant et pendant la saison des épillets, surtout s’il s’agit d’un chien aux poils longs et frisés. On peut raisonnablement se limiter à la face interne des oreilles (autour de l’entrée du conduit auditif – photos ci-dessous) et à l’extrémité des pattes (jusqu’au dessus des doigts – photo à droite : plusieurs épillets, plantés entre les doigts de la main gauche d’un chien, ont été retirés, et la main droite a été rasée). Mais pour les chiens à sous-poil dense et qui vivent au milieu d’herbes hautes, il peut être intéressant de faire raser tout le dessous du corps une ou deux fois pendant la saison : ça ne se voit pas ou peu, et ça peut éviter bien des désagréments. Il nous arrive même de rencontrer des briards ou des bobtails entièrement rasés, en début d’été : le résultat esthétique est, certes, contestable, mais le chien a moins chaud, et il risque moins d’ennuis non seulement avec les épillets, mais aussi avec tous les problèmes de macération (dermites pyo-traumatiques, larves de mouches…

2 – En rasant les herbes hautes du jardin, et en éliminant les restes de tonte.

3 – En évitant de promener les chiens dans des endroits à risque.

Cela peut rendre la promenade un peu compliquée, mais pendant les mois chauds où les herbes sont les plus sèches, il vaut mieux tenir son chien en laisse lorsque l’on chemine à proximité d’un champ d’herbes hautes. Et au retour à la maison, bien inspecter l’animal pour retirer tous les épillets qui peuvent être accrochés dans son pelage.